Lionel Tardy, écrivain Livres À propos Agenda Blog Boutique

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Et ben non ! Ça serait génial, toutefois, on est encore loin du compte ! Une situation qui vous étonne ? Cela ne devait pas : en Suisse, rares sont les auteurs et autrices qui gagnent leur pitance grâce à leur plume, comme l’explique l’article du Temps Vivre de ses livres en Suisse, mission (quasi) impossible1.

Ah mince ! Pourtant, les *Aventures de Kanako Sawada*, ça se vend bien ?

Mes ventes sont tout à fait honorables, merci. (Environ 850 exemplaires de Terres Sauvages. Pour À la conquête du chrysanthème, je dois patienter jusqu’en mars 2026 pour connaître les premiers chiffres de ventes.) En partie grâce à mon éditrice qui a classé mes livres « jeunes adultes » plutôt que « science-fiction ». Et surtout parce que je consacre beaucoup de temps et d’énergie à les promouvoir.

Mais, avant de détailler mon cas, je vais donner quelques chiffres sur le fonctionnement du prix du livre. Et comme un graphique vaut mille mots…

Pour un livre vendu 25 CHF en librairie, la personne qui l’a écrit touche 2,50 CHF. À condition d’avoir signé un contrat fixant les droits d’auteur à 10 %. (Certaines maisons proposent parfois des rémunérations inférieures.) Un chiffre qui peut sembler bien bas, mais qui est d’usage dans le milieu littéraire, en Suisse comme en Europe.

En admettant que l’on se contente de 4’500.– par mois (soit la moitié du revenu médian d’une profession intellectuelle en Suisse, selon l’OFS3), il faudrait vendre 21 600 exemplaires par année. (Je vous laisse méditer un instant sur ce chiffre…)

Le livre (comme la plupart des productions artistiques) est un objet culturel dont les créateurs et créatrices offrent leur temps de travail à leur public4.

Mais c’est complètement injuste !

On est d’accord. Toutefois, ce serait facile de blâmer les autres acteurs de la chaîne. Ils ont leurs frais fixes : un local, du personnel, des entrepôts. L’impression, le transport, les représentants qui présentent les romans aux libraires, tout cela a un coût. Quand on sait que, pour être rentable (à un éditeur), un ouvrage doit s’écouler à près de 2000 exemplaires… on réalise que la majorité des parutions se font à perte. Peut-être que trop de bouquins sont publiés… là on entre dans un débat différent.

Pour certaines auteurs et autrices, les prix, les bourses, les conférences ou la participation à des ateliers peuvent être une source de revenus, à condition qu’ils ou elles soient bien établies dans le milieu.

Du coup… tu as gagné combien depuis la sortie de ton premier roman (si ce n’est pas indiscret) ?

Non, non, je n’ai aucun problème à discuter de cela. Ce n’est pas comme si l’Administration des Impôts se frottait les mains.

Voici les rentrées d’argent liées à mes activités littéraires entre avril 2023 (parution de Terres sauvages) et juillet 2025. (À noter que je ne recevrais les droits d’auteurs de À la conquête du chrysanthème qu’en mars 2026.)

Un joli total de 11’450.– soit environ 400 CHF par mois de chiffre d’affaires. Oui, j’utilise ce terme, car, avant de parler du bénéfice, on va jeter un œil aux frais.

Si les festivals paient le déplacement, la nourriture et parfois l’hôtel, ce n’est pas le cas des dédicaces en librairie. Les éditions Favre se chargent avec expérience de la promotion traditionnelle, mais c’est avant tout moi qui m’occupe des réseaux sociaux.

Un total de 5 100 CHF, ce qui laisse un bénéfice de 6 350 CHF, soit environ 220 CHF par mois. (Le paquet de cornettes est à 1,75 CHF à la Migros, ça me laisse même de la marge pour acheter de la sauce et de fromage à râper 🥳)

OK, je ne suis pas obligé de débourser 400 € pour aller vendre huit livres aux Imaginales. Je pourrais m’abstenir d’acheter des pubs sur Instagram. Toutefois, ce sont des choses qui font partie du « truc » (Et participer aux Imaginales était quand même bien cool5.)

J’oubliais un détail… Écrire un livre a aussi son coût : l’alpha et la bêta-lecture, la relecture et surtout les illustrations qui l’accompagnent. D’avril 2023 à juillet 2025, le montant pour ces postes s’est élevé à 25 000 CHF (84 % de cette somme consacrée aux illustrations).

Collaborer avec des gens en Suisse et les rémunérer de façon juste a un prix. Et, dans la « vraie vie », je suis développeur web indépendant. Il est exclut pour moi d’exploiter d’autres personnes en les rétribuant au lance-pierre. (Et non, ce n’est pas à mon éditrice de payer vu que je suis le commanditaire. D’ailleurs, je conserve intégralement les droits des images.)

Bilan final des vingt-huit derniers mois : -18 650 CHF. Donc oui, sans même compter mes heures de travail, je perds de l’argent. En gros, je suis mon principal sponsor.

En fait, il est tout pourri ton business plan !

Probablement… 😅

Je pourrais cesser d’illustrer mes romans, ce serait une décision rationnelle. Ou analyser les tendances et cibler des maisons françaises « qui ont la cote ». Mais restons réalistes… les chances de succès de telles démarches sont minces.

Heureusement, je n’écris pas pour l’argent. J’aime me plonger dans des mondes imaginaires, j’adore raconter des histoires et surtout j’ai besoin de « créer des trucs », ça me vient du fond des tripes et, sans ça, ma vie est en déséquilibrée. Sans parler des rencontres et les discussions enrichissantes avec tous les gens qui gravitent dans l’univers du livre. Surtout cette géniale camaraderie qui y règne.

« Alors ? Tu en vis maintenant ? » En fin de compte, cette remarque me fait plutôt sourire. Elle est simplement le fait d’une méconnaissance du milieu.

Bon, j’avoue que je tire un peu la gueule lorsque je l’entends dans la bouche de mes clients. Certains ont cru que je ne me consacrais plus qu’à l’écriture. Et non… la majeure partie du temps, je bosse toujours comme développeur web et j’attends vos mandats. 😉

Sinon, je donne volontiers mon IBAN à celles et ceux qui voudraient me soutenir. (Contactez-moi en privé.) OK, OK, je plaisante.

Parlez de mes livres autour de vous, à vos connaissances, sur les réseaux. Offrez-les à vos proches. Je suis certain que vous avez plein d’ados et de jeunes adultes qui aiment lire dans votre entourage. Et pour les plus motivés, des tirages A3 des images de Sandrine se trouvent sur ma boutique en ligne.

(Et si ça ne marche pas, vous pouvez aussi m’engager pour rédiger vos rapports financiers. Cet article devrait achever de vous convaincre.)

Notes

  1. Vivre de ses livres en Suisse, mission (quasi) impossible, Le Temps, 6 novembre 2023
  2. Ce que gagnent les auteurs romands, Le Temps, 9 juin 2016
  3. OFS – Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS)
  4. Oui, mais bon… c’est votre passion. Certes, mais une passion, quand elle est exercée avec une éthique professionnelle, mérite une juste rémunération.
  5. Les Imaginales: une leçon d’humilité

Commentaires (11)

Et moi qui croyait que les auteurs suisses gagnaient plus que les auteurs français! C’est bien d’être aussi transparent Merci! Tant que le plaisir d’écrire est là allons y!

Amandine VS, le 25 août 2025 à 21:53

Comme tu dis, l’essentiel est d’y trouver son compte. (Bien que je ne cracherai pas contre arriver à un bilan positif ;–)

Lionel Tardy, le 25 août 2025 à 22:04

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Bravo pour cette analyse très lucide, il est parfois utile de remettre l’église au milieu du village.
Et qu’en est-il des frais pour le travail de design de ces newsletters? J’imagine que cela représente un très gros poste…
En attendant, je te souhaite beaucoup de succès pour la suite, et toujours autant de plaisir!
÷)

Sylviane, le 25 août 2025 à 18:25

Arrête, c’est mon plus gros poste le site, les newsletter et les réseaux. Si tu savaient ce qu’ils coûtent ces graphistes et ces développeurs web. Un scandale! J’espère qu’ils utilise leur gains pour financer des projets… je sais pas moi dans le domaine littéraire. 😂

Lionel Tardy, le 25 août 2025 à 22:06

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Très intéressant, merci beaucoup. Je vais de ce pas rappeler la banque pour annuler l’achat du jet !

Gisèle, le 25 août 2025 à 17:42

:–/ Je suis navré que mon titre «clickbait» sur Instagram t’ait induite en erreur. Si tu veux, par solidarité, je participe à la dédite du jet.

Lionel Tardy, le 25 août 2025 à 18:04

Merci. 😂

Gisèle, le 25 août 2025 à 18:09

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J’étais déjà au courant de la misère dans laquelle on se plongeait en réalisant le rêve de « vivre de l’écriture », mais ton article m’a bien fait rire… et rassurée. Je ne suis donc toujours pas seule à solder mes comptes en négatif et à lancer des sous aux artistes par passion. xD
J’ai quand même envie de te dire merci de nous faire vivre et de valoriser notre travail (toi-même tu sais de quoi je parle). Aussi envie de te dire que tu es tout de même courageux, et que le travail paye. Clairement. ♥

Stéphanie Manitta, le 25 août 2025 à 17:08

Merci pour ton message, Stéphanie. À défaut d’avoir du cash, on noue plein d’amitié très riche! Merci pour ton soutient. (P.S. Si tu cherches une réponse à celles et ceux qui te diraient: «Mais c’est beaucoup d’argent!», tu peux leur répondre que, par mois, ce n’est pas plus cher que d’avoir un cheval. (La comparaison à 2 balles.)

Lionel Tardy, le 25 août 2025 à 18:07

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Merci pour cet article intéressant et tellement honnête ! Il faut du courage pour tenter l’aventure d’écrire quand on voit la réalité du terrain.

Narcissikat, le 25 août 2025 à 17:01

Dans mon cas, j’ignore si c’était du courage ou simplement une méconnaissance complète du milieu, de ses règles et de ses contraintes. :–D

Lionel Tardy, le 25 août 2025 à 18:05

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