Voici une question que j’entends souvent lors de mes échanges avec des personnes issues du monde du livre. Ma démarche suscite l’étonnement, parfois l’incompréhension, car elle va à l’encontre du bon sens des règles en vigueur dans le milieu. Pour beaucoup, mettre en page son roman est une étape fastidieuse que l’on délègue avec joie.
D’habitude, les auteurs et les autrices qui publient à compte d’éditeur se « contentent » de livrer leur texte sous la forme d’un manuscrit. Le reste du processus étant géré par leur maison d’édition, ils sont ensuite libres de retourner se consacrer à l’écriture.
Pour résumer : j’effectue une tâche qui n’est pas la mienne et je prends du retard sur les prochains tomes des Aventures de Kanako Sawada.
Mais alors, pourquoi tu t’infliges ça ?!
Revenons au début du projet : lorsque j’ai commencé à tracer l’histoire de Kanako, être édité ne figurait pas parmi mes objectifs. (Enfin… si. Bien sûr que je rêvais de voir mon bouquin en librairie. Cependant, convaincu que c’était impossible, le pessimiste-protecteur qui sommeille en moi avait écarté cette possibilité.) Après avoir achevé le roman, j’ai décidé d’en imprimer une petite série afin de pouvoir le partager. Ma compagne1, qui est graphiste, a imaginé un concept visuel. De mon côté, je l’ai décliné sur trois cent soixante pages.
D’aucuns appelleraient cela de l’auto-édition. Dans la mesure où l’ouvrage n’a jamais été disponible sur une quelconque plateforme, je qualifierai plutôt cela de tirage test.
Quand je me suis résolu à proposer mon manuscrit à des maisons, je suis allé les rencontrer avec un livre mis en page sous le bras. En matière d’impact, cela a très certainement joué en ma faveur : un projet quasi clé en main2 dans lequel l’auteur s’implique à fond.
OK… ça t’a permis de convaincre un éditeur. Mais ça te prend quand même beaucoup de temps, non ?
Couler le texte, ajuster les détails typographiques et finaliser le document représente environ quarante heures de travail. Réaliser la couverture demande encore une quinzaine d’heures supplémentaires. Comparé à l’écriture, cela équivaut à un sixième du temps nécessaire à la rédaction pour un premier jet ! Donc oui : je retarde l’avancée des tomes suivants.
Toutefois, j’envisage les Aventures de Kanako Sawada comme un projet global. L’univers se base sur des partis pris visuels fort3, tel que le retour à l’esthétique des années 80 et l’ambiance « Neon ». Les illustrations de Sandrine reflètent cette ambiance, tout comme le site web et les cartes.
Gérer la mise en page du livre me permet donc d’assurer la cohérence à l’ensemble.
Accessoirement, chaque phase donne l’occasion de collaborer et d’échanger avec plusieurs corps de métier. Un moyen de sortir de la solitude de l’écriture et de varier les tâches.
Ainsi, loin d’être une contrainte, cette approche contribue à enrichir le projet tout en m’immergeant dans chaque étape de la création et me procurant une satisfaction personnelle que je n’aurais pu obtenir autrement.
(Je ne nie pas que cela satisfait aussi mon petit côté « control freak ».)
Au passage, je remercie mon éditrice d’avoir accepté cette façon de procéder alors qu’elle ne respecte pas les codes du milieu.
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